Quand on évoque la question de l’énergie nucléaire, on espère, en général, trouver une solution aux contradictions dans lesquelles nous sommes pris, collectivement, du fait de notre mode de vie énergivore. Or la plupart des scénarios réalistes, qui imaginent une manière de faire face au réchauffement climatique, mentionnent que, nucléaire ou pas nucléaire, il faudra au moins une part de sobriété. La question de l’énergie n’est donc pas seulement une question de structuration de l’offre elle est aussi (et en premier lieu) celle des moyens de faire diminuer la demande. Le premier appel d’A Rocha est, donc, de questionner notre dépendance à l’énergie.
La question du mix énergétique vient en deuxième lieu. L’énergie nucléaire comporte pas mal de coûts cachés (notamment la question du coût de fermeture des centrales hors d’usage, qui est vertigineux) et des dangers avérés (faible probabilité mais conséquences dramatiques à une vaste échelle). De fait, toute solution technique apporte des solutions en même temps que des problèmes et cela vaut pour toutes les technologies imaginées. La question du recyclage des batteries et de la consommation de matériaux rares pour les faire fonctionner sera de toute manière un enjeu. Il faut donc faire le tour, là aussi, de toutes les dépendances que les « solutions » techniques créent.
On peut imaginer des solutions transitoires qui ne sont pas idéales, comme le prolongement, pendant un certain temps, de l’usage de l’énergie nucléaire. Mais cela suppose de se fixer un cap vers lequel on se dirige. Or, pour l’instant, les solutions de court terme que nous avons sous la main, prennent trop de place dans la réflexion.
Tout d’abord, il est important de noter que les bouleversements climatiques sont déjà présents, même en Europe avec deux canicules exceptionnelles au cours des derniers étés par exemple. Ils sont certes beaucoup plus visibles dans les pays du Sud, comme le Mali qui a vu sa saison humide passer de 6 mois à 3 mois ces dernières années, et les pays côtiers ou insulaires qui doivent lutter contre la montée du niveau des océans. Les assurances, en particulier Swiss RE, la société de réassurance, en sont bien conscientes. Elles ont déjà fait de nombreux rapports sur l’augmentation des risques climatiques et ont augmenté leurs réserves de réassurance en conséquence [1].
Deuxièmement, nous reconnaissons que les mesures pour sauver le climat ne peuvent pas être que de simples questions d’innovation technologique et de financement pour être efficaces, ni qu’une question politique uniquement. Nous pensons que les mesures pour contrer le réchauffement climatique consistent en un changement profond de paradigme de notre société pour un mieux-être à tous les niveaux, à commencer par notre façon de penser. En fait, le bouleversement climatique est déjà présent et les mesures pour sauver le climat ont pour but de conserver et d’améliorer notre bien-être et nos conditions de vie, même si certaines peuvent apparaître comme des privations au premier abord. Comme le bouleversement général de la société dû au climat qui se dérègle est déjà présent et que les mesures pour le contrer impliquent des changements profonds, il est compréhensible que de nombreuses personnes soient inquiètes au sujet de leur avenir et de celui de la société en général. Et c’est avec ce sentiment d’insécurité que Dieu accueille les hommes et les femmes avec un amour qui dépasse tout entendement et toute attente. En effet, nous pensons que c’est l’aide et le soutien de Dieu qui nous permettra de faire la transition nécessaire dans nos vie et dans la société. La vie dans l’amour du Christ nous offre tout ce dont nous avons besoin et bien plus que les plaisirs de la consommation de masse et sans limite que nous offre la société pour un certain temps encore.
En conclusion, nous pensons que la solution n’est pas uniquement dans un débat superficiel sur les moyens techniques et financiers à mettre en place, mais avant tout dans l’engagement dans une vie spirituelle pleine et épanouie en Dieu qui est la seule vraie réponse au défi climatique. Nous sommes convaincus que pour faire cette transition, le Christ nous accueille les bras grands ouverts.
Un certain nombre de personnes, jeunes et plus âgés, estiment qu’il ne sert à rien de faire quoi que ce soit, cela ne servirait à rien et qu’il vaut mieux attendre que l’État nous donne des directives valables pour tous. Ce point de vue peut être justifié en ce sens qu’une action collective étatique et même internationale est certainement nécessaire pour résoudre les défis du climat, comme cela a été mentionné dans une question précédente. Toutefois, ce point de vue implique une attitude passive du citoyen et un abandon de sa responsabilité personnelle envers la Création. Nous réitérons l’idée déjà citée auparavant qu’autant l’action collective qu’individuelle est nécessaire et qu’il existe un certain lien entre les deux, une forme de « cercle vertueux » : plus une personne effectue des actions personnelles envers la Création, plus elle a tendance à participer également à des actions collectives pour la sauvegarde de celle-ci et vice-versa.
L’attitude symbolisée par la phrase « J’attends que l’État me donne des ordres » implique deux biais importants à notre sens. Tout d’abord, l’idée que l’État a un savoir objectif sur le climat, qu’il connaît les enjeux, qu’il a la possibilité et la volonté d’agir efficacement et qu’il agit toujours en faveur du bien-être public n’est malheureusement pas toujours vraie, car l’action étatique est principalement déterminée par un agenda politique provenant d’un consensus entre différents partis ou d’une majorité élue. De plus, nous constatons aussi qu’il est influencé par un certain nombre de lobbies qui défendent leurs intérêts économiques avant tout. Deuxièmement, « l’État » ou l’ « autorités politique » n’est pas une entité fixe, stable et totalement indépendante des individus, mais c’est plutôt une entité changeante selon les majorités politiques déterminées par le vote des citoyens. En ce sens, chaque citoyen est également un acteur en votant pour des élus qui prennent en compte ou non la sauvegarde de la Création, peu importe l’orientation politique de ceux-ci.
Il est vrai que beaucoup d’entreprises, l’Etat, les régions et beaucoup de communes (voire même des églises) sont engagées dans des processus de développement durable. Mais nous constatons qu’il s’agit, dans certains cas, de déclarations non contraignantes, sans sanctions et parfois sans budget. Dans beaucoup de cas, il n’y a pas d’actions concrètes qui suivent les déclarations. De plus en plus, nous constatons aussi que la communication sur l’écologie devient un argument marketing pour augmenter ses ventes et de nombreuses entreprises polluantes présentent des produits « écologiques » dans leur publicités, comme les entreprises de fabrication de béton et de gaz, et même la distribution de mazout pour le chauffage ! Ce phénomène s’appelle le « green washing ». En plus de cela, de nombreuses entreprises, collectivités et églises n’engagent pas de processus de développement durable en prétextant qu’elles sont déjà « parfaites » dans ce domaine. Nous constatons donc un décalage et parfois même des contradictions entre les déclarations de nombreux acteurs économiques et politiques et leur actions concrètes. En se référant aux valeurs chrétiennes, nous estimons que nous sommes tenus d’avoir un discours basé sur la vérité et d’agir conformément à nos paroles.
En France, en Suisse et dans de nombreux pays occidentaux, les effets de la crise climatique ne sont pas encore trop visibles et de nombreuses personnes ont tendance à sous-estimer la gravité de la situation présentée dans les rapports scientifiques. Mais, depuis 2019, les médias relaient régulièrement les problèmes de la crise climatique, quasi quotidiennement, et cela crée un effet de saturation d’informations pour la plupart des personnes. A cause de cet effet « lavage de cerveaux », de nombreuses personnes ont tendance à se détourner de ces informations ou de les banaliser, comme cela s’est fait depuis des décennies concernant les images de misère dans les pays du Sud auxquelles le public occidental s’est largement habitué et qui est devenu une banalité médiatique qui ne provoque souvent que peu de réactions. Finalement, les pseudo-controverses scientifiques climatiques, les fake news et les vidéos amateurs d’experts auto-proclamés en science climatique qui circulent dans les réseaux sociaux participent à créer un sentiment de doute généralisé et d’incrédulité par rapport à l’information scientifique de qualité et officielle. En conclusion, cette attitude représente en fait un déni de la réalité et il est important de rappeler ici que chacun est responsable de rechercher une information scientifique sûre et de qualité et de réagir de manière appropriée à celle-ci.
Pour les croyants en Dieu, la vie est un équilibre entre la part qui nous incombe, et la part qui échappe à notre contrôle. Cette réalité est présente dans les Évangiles au travers de plusieurs paraboles (les Talents, les deux maisons, les dix Vierges, etc.) qui mettent en avant la responsabilité individuelle pour sa vie physique et spirituelle. Dieu donne à chacun intelligence, créativité et capacités pour vivre chaque jour et progresser, sans pour autant nous priver de sa présence et son conseil Divin. Le climat n’échappe pas à ce principe. La Terre est une grosse machine : on met du gaz à effet de serre, ça chauffe. On en retire, ça refroidit. Dès lors, du moment que la civilisation humaine émet suffisamment de gaz à effet de serre pour dérégler le climat, c’est à elle, et à elle seule, de prendre les mesures nécessaires. Dieu ne nous soustrait pas aux responsabilités qu’il nous a rendus capables de gérer. La bonne gestion de la Terre en fait partie. Ne laissons donc pas une accusation de « manquer de foi », si culpabilisante au demeurant, nous soustraire à nos responsabilités humaines. Lutter contre le réchauffement climatique n’enlève en rien la confiance que nous plaçons chaque jour en Dieu pour toutes les dimensions de nos vies.
Il est indéniable que ce sont les énergies fossiles qui ont été à l’origine du formidable progrès de notre civilisation durant ces derniers 150 ans. Cependant, elles ne sont pas éternelles ; le pétrole aura quasiment disparu en 2050 déjà. Il est dès lors primordial de développer d’autre sources d’énergie pour maintenir cette prospérité, sans quoi ce sera l’effondrement. (…) La transition énergétique n’est donc pas un luxe, bien au contraire : si nous ne sortons pas rapidement des énergies fossiles, nous mettons notre prospérité en péril.
Qui doit commencer ? Allons-nous arrêter de faire ce qui est juste parce que d’autres continuent à faire faux ? Ce sont les véritables questions qu’il faut se poser devant l’apparente inaction des plus grands. Le danger d’une inaction sur les générations futures nous impose un devoir moral d’agir, tout simplement. Par ailleurs, ni la Chine ni les USA ne sont inactifs sur la question climatique. Le pouvoir centralisé de la Chine a montré qu’il pouvait mettre les moyens lorsque les enjeux sont importants. Ce pays peut raisonnablement devenir rapidement un moteur dans l’action pour le climat. Quand aux USA, de nombreuses villes ou Etats ont déjà mis en place des actions concrètes. Finalement, ne sous-estimons pas le poids de la France ou de la Suisse, considérables au niveau financier et technique. Nos pays pourrait prendre une position de leader dans le domaine, et avoir un impact très important sur le climat au niveau mondial en comparaison à sa population.
Nous pourrions penser, en tant que chrétiens, que la spiritualité consiste essentiellement à sauver son âme en acceptant la grâce du Christ et à inciter les autres à en faire de même au moyen de la mission sans se préoccuper du monde matériel et naturel. Par conséquent, nous pourrions penser que nous devons être « neutres », car il s’agit d’un sujet politique, économique ou scientifique et non spirituel. Nous pourrions également penser que chaque chrétien est libre d’avoir son opinion sur cette question et d’agir ou non en faveur de l’écosystème et du climat, l’essentiel de la foi n’étant pas concerné par cette question. Tout d’abord, il existe un consensus scientifique quasi total sur le fait que les activités humaines sont la cause principale du réchauffement climatique depuis le début de la Révolution industrielle (19ème siècle). Mais la Bible donne-t-elle aussi une réponse ou des indications à ce sujet ? Oui, car l’Ancien Testament considère que Dieu, l’humanité et le reste de la Création sont étroitement liés, si bien que le péché des hommes affecte non seulement notre relation à Dieu, mais aussi la relation aux autres créatures, avec la terre et son système, avec des mentions explicites de perturbations climatiques. Le péché d’Adam et d’Eve n’a pas comme seule conséquence leur séparation d’avec Dieu, la terre se met à produire des épines et l’agriculture devient plus difficile (Genèse 3.17-19). De même, la Bible parle de la façon dont la terre « souffre » (Jérémie 12.14) et « pleure » (Osée 4.1-3) à cause du péché du peuple de Dieu. La Création « vomit » les habitants d’Israël l’Infidèle (Lévitique 18.25-28), tandis qu’elle attend la rédemption. Attention cependant à ne pas simplement « spiritualiser » nos actions matérielles, et à penser qu’il suffirait à l’humanité de ne plus pécher moralement pour que la crise climatique soit résolue comme par miracle. Nos désobéissances qui détruisent le climat, ce ne sont pas nos meurtres, nos adultères et nos tromperies, mais nos excès de consommation, nos excès de combustion des énergies fossiles, nos excès d’émissions de GES (Gaz à effet de serre). En conclusion, en se basant sur la Bible, le comportement des hommes affecte la terre entière, ce qui inclut le climat. Et si leur comportement influence le climat dans un sens négatif, c’est-à-dire qu’il met en péril le monde naturel, les espèces vivantes et, in fine, l’existence de l’être humain lui-même, la « neutralité » du chrétien actuel à l’égard de la crise climatique contredit de manière évidente la vision biblique de l’amour de Dieu pour l’homme et la Création et la responsabilité que Dieu a donné à l’homme envers celle-ci.
Nous pourrions penser, en tant que chrétiens, que la crise climatique est l’affaire de Dieu, car c’est lui qui s’en occupe et donc nous n’avons pas à nous préoccuper de ce problème. Dieu est tout-puissant, il maîtrise tout, et donc nous ne devons pas nous mêler de quelque chose que nous ne pouvons de toute façon pas maîtriser. De plus, la foi concerne avant tout sa vie personnelle, sa famille, son église de quartier et son travail et pas les grands problèmes mondiaux, car Dieu les gère selon son plan.
Tout d’abord, si nous nous référons à l’histoire de Noé, dans Genèse 6 à 9, nous constatons qu’un changement climatique important et destructeur a lieu. Le jugement de Dieu est mis en œuvre avec la destruction quasi complète du monde et sa miséricorde est également accordée à Noé et aux animaux de son arche, sauvés du déluge et de la destruction. On constate que le plan était complètement divin, mais que c’est un homme, Noé, qui l’a mis en œuvre. Dieu aurait pu faire un bateau lui-même, mais il a délégué cette tâche à Noé. Comme dans beaucoup d’autres passages bibliques, Dieu choisit des agents et c’est une intervention humaine qui accomplit les plans de Dieu. De plus, Dieu a souvent une compréhension plus grande du plan et de sa finalité que l’agent humain lui-même. Dans le cas de Noé, le plan de Dieu était plus profond que le sauvetage de Noé et de quelques animaux d’un désastre, car il s’agissait de créer une alliance éternelle entre lui et la Création. Dans le chapitre 9 de la Genèse, nous constatons que l’alliance de Dieu ne concerne pas seulement les hommes, dans le texte : « vous et vos descendants », ce qui nous inclut aussi nous-mêmes, mais également toute la Création, à savoir « toute créature vivant sur la terre » et « la terre elle-même » (Genèse 9, verset 13).
Ces versets bibliques nous appellent à être des agents de Dieu et à nous responsabiliser au lieu de tout lui remettre pour se réfugier dans une forme de passivité et de déresponsabilisation. Dans beaucoup d’épisodes de la Bible, comme dans le Psaume 8, Dieu se sert des hommes pour agir et, à l’instar de tous ces héros bibliques, nous sommes appelés à l’écouter aujourd’hui et à agir de manière responsable en regard des grands problèmes mondiaux, comme le réchauffement climatique.
Le fait d‘admettre un impact de l’homme sur le climat nous rappelle aussi que Dieu a créé des lois qui régissent le monde physique. Une grande partie du savoir humain est consacré à la découverte et à l’étude de ces lois, au travers des sciences dites exactes. La connaissance scientifique n’est pas une négation de Dieu, mais un chemin de découverte de sa grandeur et de son génie. Si la Bible affirme que Dieu est au-dessus de tout, il a soumis sa création aux règles physiques qu’il a lui-même choisies, et qu’elle ne peut pas bafouer. Vivre dans la vérité, c’est aussi vivre dans la connaissance et le respect de ces lois physiques. Dans la Bible, Satan tente Jésus en lui demandant de défier les règles physiques en se jetant en bas du Temple (Luc 4:11). Derrière cette demande se cache son désir de voir le Christ commander Dieu même. La réponse de Jésus est claire : « Tu ne mettras pas Dieu à l’épreuve ». Nous ne devons pas non plus mettre Dieu à l’épreuve en ignorant les principes physiques du climat et en exigeant de Dieu qu’il répare les dé-réglages massifs que nous faisons subir au système atmosphérique.
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