Nous pourrions penser que changer notre comportement individuel suffirait à résoudre la crise climatique. Par exemple, nous pourrions penser que « si tout le monde triait mieux ses déchets, allait moins en vacances sous les tropiques et mangeait moins d’ananas, on pourrait tout résoudre sans changer le système ». Nous pensons que cette manière de penser est à nuancer. Tout d’abord, il est vrai que changer son comportement personnel en faveur du climat en choisissant les actions proposées par exemple sur le site d’A Rocha est essentiel, comme par exemple, préférer les transports en commun, trier ses déchets ou préférer les récipients recyclables. Toutefois, nous constatons que de nombreuses décisions à prendre pour faire face à la crise climatique ne sont pas à la portée directe des citoyens et ne peuvent être résolue par une action purement individuelle. Par exemple, une part important des Français sont des locataires et n’ont quasi aucune influence sur les propriétaires immobiliers concernant les décisions d’isolation de leur logement. Il est évident qu’une grande partie des décisions à prendre en faveur du climat passe par des changements de lois qui ne peuvent être faite par un seul citoyen et son action individuelle. Un changement de loi passe en principe par des actions collectives dans un cadre politique. Et ceci non seulement dans un cadre politique national, mais aussi au niveau international comme l’Accord de Paris de 2015 où tous les pays du monde sans exception ont signé un accord sur le climat pour la première fois de l’histoire humaine. En conclusion, nous constatons que les actions collectives, comme le vote, la signature de pétitions, l’engagement dans une association locale ou les manifestations sont des leviers collectifs également nécessaires pour avoir une influence positive sur le climat. Dans les faits, on constate souvent que le changement de comportement individuel en faveur du climat et la participation à des actions collectives s’influencent mutuellement et sont intimement liées. En effet, des personnes qui changent progressivement leur comportement en faveur du climat vont aussi peu à peu voter pour des candidats plus sensibles au climat et vice-versa.
Nous entendons parfois cette phrase, car une forme de sobriété semble plus adaptée à la résolution de la question climatique. La réponse qui semble la plus adéquate est qu’il s’agit d’une juste mesure à trouver pour soi et pour la société. Il est important de réaliser que la société de consommation de masse dans laquelle nous vivons n’est certainement pas tenable à moyen terme et en tout cas pas à long terme selon de très nombreuses études et, surtout, le bon sens. La plupart des gens pensent que cette société est « normale ». Or, si nous continuons de vivre selon le modèle actuel, l’épuisement des ressources naturelles et des énergies fossiles sans solution de remplacement pourrait nous diriger brusquement vers une catastrophe, c’est-à-dire précisément vers une vie dans une caverne avec une bougie pour s’éclairer.
La crise que la Grèce a vécu en 2008, c’est-à-dire une décroissance brusque et qui a menacé de s’étendre à toute l’Europe, est ce qui peut nous attendre, en France aussi et dans d’autres pays, si nous ne prenons pas des mesures pour sauver le climat assez tôt. Nous voulons absolument éviter un scénario catastrophique à la grecque et pour cela, nous devons nous engager dès maintenant dans un changement de comportement et devenir plus responsable. Le changement de paradigme que nous devons entamer au plus vite sert à préserver notre qualité de vie et de celles de nos enfants. Le bonheur et la satisfaction de la vie en Christ peut nous aider à mener une vie plus sobre et à s’ancrer dans des valeurs solides qui elles seules pourront nous apporter une satisfaction dans la vie, bien plus que la consommation à outrance.
En France, en Suisse et dans de nombreux pays occidentaux, les effets de la crise climatique ne sont pas encore trop visibles et de nombreuses personnes ont tendance à sous-estimer la gravité de la situation présentée dans les rapports scientifiques. Mais, depuis 2019, les médias relaient régulièrement les problèmes de la crise climatique, quasi quotidiennement, et cela crée un effet de saturation d’informations pour la plupart des personnes. A cause de cet effet « lavage de cerveaux », de nombreuses personnes ont tendance à se détourner de ces informations ou de les banaliser, comme cela s’est fait depuis des décennies concernant les images de misère dans les pays du Sud auxquelles le public occidental s’est largement habitué et qui est devenu une banalité médiatique qui ne provoque souvent que peu de réactions. Finalement, les pseudo-controverses scientifiques climatiques, les fake news et les vidéos amateurs d’experts auto-proclamés en science climatique qui circulent dans les réseaux sociaux participent à créer un sentiment de doute généralisé et d’incrédulité par rapport à l’information scientifique de qualité et officielle. En conclusion, cette attitude représente en fait un déni de la réalité et il est important de rappeler ici que chacun est responsable de rechercher une information scientifique sûre et de qualité et de réagir de manière appropriée à celle-ci.
De nombreuses personnes, en Europe comme dans le reste du monde, s’investissent intensément dans leur travail, poursuivent une carrière professionnelle intéressante, obtiennent de belles promotions et peuvent en profiter en s’achetant toutes sortes de biens personnels, comme de belles voitures, une maison spacieuse et agréable pour leur famille et des vacances dans des pays lointains. Faut-il remettre en cause ce style de vie basé sur la consommation de masse si on prend en compte les enjeux de la crise climatique ? La réponse est complexe, car elle dépend de la production des gaz à effet de serre provenant du style de vie et des produits de consommation achetés. Premièrement, en tant que chrétiens, nous sommes appelés à avoir un comportement responsable envers la Création et à adopter un comportement humble et plus sobre en regard de la situation de la crise climatique actuelle. Deuxièmement, l’essentiel pour un Chrétien est d’accepter la grâce de Dieu et de se réjouir de son salut dans une vie remplie de la présence de Dieu. En ce sens, la poursuite d’une carrière professionnelle comprise comme une suite de promotions avec des augmentations de salaire dans le but d’acheter toujours plus de biens de consommation pour affirmer un statut social plus élevé n’est pas forcément incompatible en soi avec une vie spirituelle épanouie et dévouée à Dieu, mais ne peut pas être le but principal de la vie pour un chrétien qui a accepté le salut du Christ. De plus, le risque que la poursuite du bien-être matériel remplace une vie riche de la présence de Dieu est bien réel. En effet, l’idolâtrie du veau d’or, de Mammon ou de la réussite matérielle en terme moderne a toujours été un dérapage constant durant l’histoire biblique du peuple d’Israël. En conclusion, nous pensons que les chrétiens doivent avant tout se préoccuper de leur salut, de vivre dans l’amour et la joie de Dieu et de son fils Jésus-Christ avec la communauté de l’Église et ne pas se perdre dans les appâts superficiels de la société de consommation, dans la course aux promotions professionnelles et dans les achats effrénés de biens matériels dommageables au climat.
Il est indéniable que ce sont les énergies fossiles qui ont été à l’origine du formidable progrès de notre civilisation durant ces derniers 150 ans. Cependant, elles ne sont pas éternelles ; le pétrole aura quasiment disparu en 2050 déjà. Il est dès lors primordial de développer d’autre sources d’énergie pour maintenir cette prospérité, sans quoi ce sera l’effondrement. (…) La transition énergétique n’est donc pas un luxe, bien au contraire : si nous ne sortons pas rapidement des énergies fossiles, nous mettons notre prospérité en péril.
Qui doit commencer ? Allons-nous arrêter de faire ce qui est juste parce que d’autres continuent à faire faux ? Ce sont les véritables questions qu’il faut se poser devant l’apparente inaction des plus grands. Le danger d’une inaction sur les générations futures nous impose un devoir moral d’agir, tout simplement. Par ailleurs, ni la Chine ni les USA ne sont inactifs sur la question climatique. Le pouvoir centralisé de la Chine a montré qu’il pouvait mettre les moyens lorsque les enjeux sont importants. Ce pays peut raisonnablement devenir rapidement un moteur dans l’action pour le climat. Quand aux USA, de nombreuses villes ou Etats ont déjà mis en place des actions concrètes. Finalement, ne sous-estimons pas le poids de la France ou de la Suisse, considérables au niveau financier et technique. Nos pays pourrait prendre une position de leader dans le domaine, et avoir un impact très important sur le climat au niveau mondial en comparaison à sa population.
Le réchauffement climatique n’est ni de gauche, ni de droite. C’est une réalité physique et non pas une idéologie. En revanche, les mesures pour lutter contre ce réchauffement peuvent clairement avoir un positionnement politique. Jusqu’à aujourd’hui, c’est principalement la gauche qui s’est inquiétée du climat et qui a fait des propositions concrètes. Cela a donné l’impression que la cause climatique fait le lit de la gauche. Le vide laissé par la droite doit être comblé… par la droite ! C’est à elle de faire des propositions ambitieuses. Bon nombre de politiciens de droite se sont déjà mis au travail. Cela montre que le cliché « Je soutiens le climat donc je soutiens des idées de gauche » n’est pas fondé. Nous devons refuser les « packages idéologiques » dans lesquels nous sommes si souvent enfermés et qui paralysent l’action politique en faveur du climat.
A titre de rappel, de nombreux scientifiques, en particulier les climatologues, mettent en évidence le lien entre la croissance économique sans limite et la menace importante qui pèse sur l’équilibre climatique mondial. En effet, ils démontrent que la croissance économique continue est basée sur les énergies fossiles émettant de plus en plus de gaz à effet de serre, et que ces émissions menacent le climat. De plus, les perturbations climatiques sont déjà visibles et attestées aujourd’hui dans différentes parties du monde.
Malgré ce constat, nous pourrions penser que le développement économique de notre région et notre richesse matérielle personnelle sont le résultat automatique du salut de notre âme et de l’assurance de la vie éternelle. Penser que la richesse matérielle, une santé parfaite et la vie éternelle sont une bénédiction de Dieu et une récompense directe et automatique de la rédemption des péchés n’est pas ce que la Bible nous enseigne.
Anne-Catherine Piguet, théologienne protestante, a écrit un article complet, critique et édifiant au sujet de la théologie de la prospérité1. Selon elle, cette théorie affirme que si un croyant est malade et pauvre, c’est de sa faute parce qu’il est dans le péché et dans une nature satanique. Et s’il a la foi, il est automatiquement en bonne santé, sauvé et riche matériellement. Cette théorie affirme aussi que Jésus-Christ lui-même a eu une nature satanique lorsqu’il a été crucifié sur la croix jusqu’à sa résurrection.
La majorité des théologiens rejettent cette vision spirituelle. En effet, la Bible n’affirme pas un lien automatique entre le salut de l’âme, la santé et la richesse matérielle. De même, il n’y a pas de lien automatique non plus entre le péché qui entraînerait directement la pauvreté, la maladie et une nature satanique de l’homme. Le danger de cette vision est d’affirmer que la pauvreté est une question de mauvaise moralité et que les pauvres sont donc directement responsables de leur misère. En conséquence, ils ne méritent ni aide financière, ni compassion, puisqu’ils sont eux-mêmes coupables de leur situation. Le deuxième danger de cette vision est que la richesse matérielle et la liberté de la recherche du profit infini sont considérés comme une bénédiction de Dieu automatiquement attribué au pécheur repenti de sa nature satanique. Cette affirmation bloque de facto de nombreuses solutions constructives à la crise climatique. En effet, elle va directement à l’encontre de la remise en question de la société de consommation de masse dans laquelle nous vivons aujourd’hui, de sa croissance sans limite et de la pollution qui en découle en termes de gaz à effet de serre.
Tout d’abord, quoique Dieu puisse envisager pour l’avenir de notre planète, nous avons reçu un mandat qui est d’obéir à son commandement de prendre soin de la terre (Genèse 1.26 ; 2.15).
Historiquement, ce n’est qu’après la révolution industrielle que l’idée de la destruction totale s’est répandue chez les chrétiens, parallèlement au début de la pollution et de l’exploitation économique de masse et à grande échelle. La pollution, les conditions de travail extrêmes et la misère du 19ème siècle ont-elles favorisé l’idée d’une destruction totale et imminente de la planète parmi les chrétiens? Peut-être. Pourtant, selon le théologien Dave Bookless (directeur de la théologie d’A Rocha), cette idée repose sur de mauvaises traductions de quelques textes bibliques très peu nombreux et difficiles à comprendre.
Par exemple, quand Jésus dit « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24.35), l’accent est mis sur la crédibilité des paroles de Jésus et non pas sur le caractère temporaire de la terre et du ciel. Jésus utilise des figures de style ou des métaphores qui étaient déjà utilisées dans les Psaumes de l’Ancien Testament. Par exemple, dans le Psaume 102.25-27, les choses les plus durables que l’on peut imaginer, comme la terre et les cieux, sont comparées au pouvoir de Dieu et à sa parole. Les Psaumes et les autres passages de la Bible mettent généralement l’accent sur la permanence et la stabilité de la création plutôt que sur son instabilité et sa fragilité. Dans le Psaume 93.1, on peut lire « Le monde est ferme, il ne vacille pas ». Dans le Psaume 96.10, nous pouvons lire : « Le Seigneur est roi. Le monde est ferme, il ne vacille pas ». « Tu as affermi la terre et elle subsiste » (Psaume 119.89-90). L’un des passages les plus cités par les personnes qui pensent que le monde est voué à la destruction complète est le suivant (2 Pierre 3.10-13) : « 10 Le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée. 11 Puisque donc toutes ces choses doivent se dissoudre, quelles ne doivent pas être la sainteté de votre conduite et votre piété, 12 tandis que vous attendez et hâtez l’avènement du jour de Dieu, à cause duquel les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés fondront! 13 Mais nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (traduction de Louis Segond)
Selon Dave Bookless, un examen approfondi de ce texte révèle une signification bien différente que la destruction totale du monde. Il s’agit de remettre ce passage dans son contexte. Premièrement, il établit un parallèle entre la destruction de la terre par l’eau à l’époque de Noé (verset 5-7) et la destruction par le feu au retour de Jésus : cela suggère que ce qui est envisagé est un jugement purificateur plutôt qu’une destruction totale.
Deuxièmement, la mention du feu aurait rappelé aux auditeurs juifs le feu du fondeur (Malachie 3.2-3) et beaucoup de traductions modernes suivent les anciens manuscrits qui utilisent le mot grec « eurethesetai » qui signifie « mise à nu » ou « révélé » dans le verset 10, plutôt que « consumé par le feu ». Et troisièmement, les éléments (stoicheia) qui sont détruits par le feu ne sont probablement pas les éléments physiques ni chimiques, mais les forces spirituelles élémentaires que la mort du Christ a vaincues. En conclusion, le passage traite clairement d’un jugement purificateur plutôt que d’une complète destruction.
Un autre point fondamental à considérer dans la Bible se rapporte au terme grec utilisé pour parler de « nouvelle » création, de la « nouvelle » terre, des « nouveaux » cieux et de la « nouvelle » Jérusalem. Ces termes se retrouvent dans les écrits apocalyptiques, c’est-à-dire principalement dans l’Apocalypse, mais aussi dans divers livres du Nouveau et de l’Ancien Testament. A titre de rappel, le Nouveau Testament a été écrit en grec ancien et cette langue a deux mots pour dire « nouveau » : neos qui signifie entièrement neuf et kainos qui suggère le renouvellement, la rédemption et la restauration. Le Nouveau Testament utilise toujours kainos quand il s’agit de la nouvelle création, mettant ainsi l’accent sur le fait que l’acte final de Dieu à travers Jésus consiste non pas à détruire la Création, qu’il a déclarée bonne, et à créer des choses nouvelles, mais à « renouveler » toute chose (Apocalypse 21.5). En d’autres termes, il s’agit de purifier, de renouveler et restaurer la Création avec Christ en son centre.
En conclusion, ce que la Bible met en lumière, ce n’est pas la destruction de la terre, mais un jugement purificateur qui fait disparaître tous les effets du péché et de la chute, avant que le Christ soit à nouveau Seigneur, et que toute chose dans le ciel et sur la terre ne soit encore une fois sous son autorité (Éphésiens 1.10). Dans Romains 8.21, l’apôtre Paul exprime son grand espoir qu’un jour « cette même création sera libérée de l’esclavage du périssable pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu ».
P.S. nous pouvons ajouter à cette réponse que nous savons tous que nous allons mourir un jour et que notre corps va être détruit. Cela ne nous empêche pas d’en prendre soin et aucun chrétien de bon sens ne se dit : « ce n’est pas grave de me droguer, de fumer, de manger n’importe quoi, de rouler à contre-sens sur l’autoroute car de toute façon je vais mourir et mon corps va être détruit ».
Nombreux sont les chrétiens qu’une telle question pourrait choquer ; elle est pourtant posée de plus en plus fréquemment. Après tout (c’est un des arguments), si nous sommes responsables de tous les problèmes, la terre ne s’en tirerait-elle peut-être pas mieux sans nous ? Ne sommes-nous pas juste une « espèce de virus » ?(5) L’évidence de l’impact négatif de l’humanité est aujourd’hui très nette; les chrétiens devraient donc être prudents lorsqu’ils affirment naïvement que l’homme est à l’image de Dieu et que, par conséquent, la planète doit mieux se porter avec nous que sans nous. Nous avons plutôt à nous repentir de notre incapacité à refléter l’image de Dieu dans notre manière de traiter la terre, et à démontrer par nos actions que nous pouvons faire une différence positive. Si nous estimons que Dieu nous a confié la création, nous devons faire preuve de davantage de prudence envers elle.
(question extraite du livre de Dave Bookless, Dieu, l’écologie et moi, Appendice 1, « les pourquoi ? de la planète »)
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